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"Sur la cité, la cité endormie
Un vautour a plané dans la nuit
Et de sa voix,

oui de sa voix lugubre
Il a troublé le silence de la nuit
Et tous les hommes,

encore ensommeillés
Se sont dressés,

comme au cri d’une alarme
Et le vautour a reprit son vol
Il est repartit je ne sais où.
Le ciel d’Afrique était si serein
Le sol d’Afrique

connaissait la paix
Depuis ce jour,

les armes se sont dressées
Oui depuis ce jour

les hommes se sont battus"

extrait : Les Vautours.

Biographie

 

Véritable icône de la musique voltaïque depuis plus d’une quarantaine d’années, Abdoulaye Cissé est l’une des figures de proue de cette musique moderne burkinabè.

 

Né le 5 juin 1948 à Sani, dans la région de Balé, Abdoulaye Cissé grandit en parlant le dafing, une langue d’origine malinké. Ces influences ethniques vont durablement marquer sa carrière en tant que chanteur. Il apprend à jouer de la guitare au début des années 1960. Installé à Ouagadougou afin de poursuivre des études d’instituteur, il commence à enregistrer quelques morceaux à la Radio Nationale de Haute Volta en 1966, à l’âge de dix-huit ans, comme son collègue Pierre Sandwidi. Il rejoint le Super Volta deux ans plus tard.

 

En tant que chanteur et guitariste, il apprend son métier en s’inspirant du Bembeya Jazz, des musiques afro-cubaines, de la chanson française et du rhythm’n’blues très populaire en Afrique à la fin des années 1960. Le Ministère de l’Education l’envoie enseigner dans des villages isolés du sud-ouest du pays. Il retourne jouer chaque week-end à Ouagadougou, afin d’honorer les engagements du Super Volta. Il traverse ainsi le pays sur sa moto, guitare en bandoulière, des trajets qui lui laissent le temps de penser à ses propres chansons.

 

A la fin de l’année 1974, il est l’un des premiers artistes solo à signer sur la Compagnie Voltaïque du Disque. Son premier 45 tours paraît dans la foulée. Porté par un riff de guitare nerveux, « A son magni » (« elle n’a pas bon caractère ») évoque le mauvais caractère de sa fiancée. En face b, la ballade en français « L’homme à la guitare », lui vaut un surnom instantané. Selon lui : « C’est une chanson poétique sur un artiste qui vient un soir se produire devant vous et disparaît ensuite. Sa vocation c’est de vous distraire et de vous rendre plus heureux, l’artiste ne fait que passer mais les souvenirs restent ».

 

Classiques instantanés, ces chansons en font une grande vedette à travers tout le pays. En 1976, il enregistre d’autres chansons sur la vaste scène de la Maison du Peuple sur un simple magnétophone stéréo Akaï, avec deux micros. Il est accompagné de ses collègues du Super Volta, à commencer par la guitare scintillante de son complice Désiré Traoré. Rodées dans les animations des bals, ces chansons évoquent une urgence et une immédiateté rares.

Pure tranche de rhythm’n’blues voltaïque, « Koyembolo » signifie « j’ai des problèmes » en dioula. Cette chanson satirique parle d’un homme qui s’endette pour nourrir sa famille. Il drague une femme mariée, son mari les croise au cinéma, il a des problèmes en permanence, avec les femmes et l’argent auxquels il est attaché. Ce rythme tentemba d’origine mandingue, qui lorgne vers la Guinée, est une sorte de coupé décalé avant l’heure.

 

« Koudjougou » se traduit par : « le mal ne paie pas ». « Le monde est gâté, mais tant que nous n’arrêterons pas de nous faire du mal, nous ne pourrons pas l’améliorer » dit en substance ce morceau. Pour Cissé, une chanson doit toujours transmettre un message. Comme il le reconnaît lui-même : « une chanson n’est pas belle mais son contenu l’est  dit un proverbe bambara ». 

En 1978, il ajoute une nouvelle corde à son arc, en intégrant la Troupe MutuelleNouvelle Génération, une compagnie de théâtre et de comédie dirigée par Karim Konaté. Il n’oublie pas sa carrière de chanteur, jouant à travers le pays pour le plus grand bonheur de ses auditeurs. A la fin de l’année 1980, il voyage à Cotonou au studio Satel afin d’y enregistrer son premier album 33 tours pour la compagnie de disques béninoise.

 

Accompagné par les Black Santiagos du trompettiste Ignace de Souza, rebaptisés pour l’occasion Les Vautours, il enregistre une poignée de chansons touchantes dont il signe également les arrangements. Répété en une journée et enregistré le lendemain, ce disque est son dernier témoignage vinyle. « Les vautours » est une chanson en français qui parle de la colonisation et de la perte de l’identité culturelle pour l’Afrique.

De retour à Ouagadougou, Cissé retourne à ses nombreuses activités culturelles. Il rejoint notamment les Suprêmes Kombemba de Thomas Tiendrébéogo en tant que chanteur et guitariste. Grâce à « Toumangari djembe », il remporte le prix Découvertes RFI en 1983, ce qui lui vaut de voyager et de se produire dans l’Océan Indien. La Révolution du mois d’août 1983 va changer sa destinée. Il est nommé chef d’orchestre des Colombes de la Révolution, une chorale de jeunes filles et son corollaire masculin, les Petits Chanteurs aux Poings Levés. Il devient aussi directeur de l’Ecole de Musique Nationale, intégrée à l’Académie Populaire des Arts voulue par Thomas Sankara.

En 1992, revenu à sa carrière d’artiste et à celle d’animateur radio, Abdoulaye Cissé lance l’ensemble Diamana Percussion afin de renouer avec ses racines mandingues.  Au fil des années, il produit aussi quelques albums en solo comme Barika en 2008. Quatre ans plus tard, il devient directeur artistique des Voltaïques, une série de concerts présentant les grands noms de la musique voltaïque avec lesquels il se produit également sur scène, à Bobo-Dioulasso et à Ouagadougou, avec l’aide de l’Institut Français du Burkina.

 

Fort de cette expérience, il décide au début de l’année 2013 de revisiter son vaste répertoire en compagnie de son fils Ahmed. Enregistré par Camille Louvel dans son studio de Ouagadougou, ces morceaux retracent une carrière exemplaire, en renouant avec ses racines acoustiques et mandingues qui ont contribué à ses plus grandes chansons. Au nombre de treize, elles sont réenregistrées avec émotion, profondeur et finesse. Véritable Dorian Gray de la chanson burkinabè, Abdoulaye Cissé livre ici un album, où les sonorités naturelles et organiques triomphent des bassesses digitales de l’époque. N’attendez pas pour les (re)découvrir !

 

 

Florent Mazzoleni

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